Autodafés, point à la ligne

Tout à l’heure j’ai ouvert un dictionnaire (et je me rends bien compte que ce simple geste m’assigne à une époque, tant l’efficacité électronique en vingt ans a bouleversé l’ordinaire) pour comme à mon habitude surprendre un mot à l’improviste. Je suis très longtemps allé aux mots comme d’autres vont aux champignons : heureux de découvrir sous l’arbre de quelle famille vient se cacher un terme, déroulant à partir de sa légère déformation morphologique un imaginaire particulier, propre à déclencher ma rêverie. Les rhumatismes, quand on les remets à côté de rhume, du fait de l’antique théorie médicale des humeurs et de la glande pituitaire, prennent une autre coloration : ils deviennent de simples infestations passagères, venant avec les saisons. Humeur, humoral, humoriste, humour… Tout à l’heure donc je suis tombé sur « Autodafé » – je n’ai pas même atteint la lettre B, l’humeur était flemmarde. Acte de foi, en portugais. Je regarde par la fenêtre. Quelqu’un brûle des feuilles mortes. Nos vies leurs ressemblent. Elles s’écrivent – passent. On y trouve toujours à défaut de sens quelque chose qui fait signe – ou signal – à travers la prolifération absurde des choses – ainsi qu’une forme reconnue dans un nuage. Qui nous brûle donc ? Fumées. Passages. Signes des lieux et des moments. Harmoniques des espaces et des temps.

Joan Miro

(…) 20 mars 1939. 5000 œuvres non vendues de l’art « dégénéré » sont brûlées en Allemagne. 3 février 2015. A Mossoul, 2000 livres impies sont jetés aux flammes. 15 août 1832 : l’encyclique Mirari vos de Grégoire XVI condamne la liberté de conscience et la liberté de la presse lorsqu’elle soutient des thèses contraires à l’Eglise.

Le même bois de traverse. La même sensation de justice rendue ou de précautions de principe pour ceux qui jettent aux flammes. Les mêmes arguments pour s’expliquer.