En voyage, ce n’est pas seulement le nom des choses qui me manquent (le nom des arbres, que je confonds, le nom des fleurs ou des oiseaux, que je ne connais pas) ce sont leur prénom : leur activité et leurs formes particulières, leur âge, leur individualité, qui finiraient bien par m’apparaître si seulement j’avais vécu là, ou si je m’établissais là à mon tour. Mais peut-être est-ce cette ignorance qui rend les choses, les végétaux et les bêtes si brillantes, si exotiques au hasard d’une étape. Car il se peut que leur connaissance m’en rende le goût plus gris, plus insipide et ennuyeux. Et pour certains comme moi (aussi atopique que moi) peut-être faut-il être de nulle part pour accéder au goût des choses. Ou alors, à l’inverse : être seulement d’un endroit – pour que cette familiarité arrête d’être lassante, bornée d’habitudes, et redevienne chaleureuse ; et connaissant chaque arbre, chaque chose, chaque angle de rue ou de route par son prénom, tenant alors au monde par ses détails, par l’amour des singularités de chaque arbre, chaque chose, chaque angle de rue ou de route, je tiendrais au monde par son obstination.