Que les souvenirs me hantent, qu’ils me tracent, que les amours ou les amis disparus continuent d’être des présences, en moi, est-ce si surprenant ? Il y a toujours un paysage dans une vie, et quels que soient les sentiers parcourus on trouve toujours à tel ou tel embranchement quelques pierres plates entassées servant de repère (même laissées par d’autres, en d’autres saisons).
Dans le grand Nord, ces monticules, ces cairns édifiés dit-on de manière à évoquer de loin la silhouette d’un homme debout, signalent un site habité il y a longtemps, ou une zone d’affût, un fantôme, un souvenir marquant. En moi, de telles présences minérales font pareillement jalons, tout à la fois rappel de parcours anciens et points de repère pour les déplacements présents. Elles ont leur prénom. Elles s’attachent à telle ou telle musique, tel ou tel livre, tel ou tel film. Elles laissent tomber au hasard leur ombre sur le monde. Je ne suis qu’un support à souvenirs, et à sensations se dit Léo. Une fois le territoire disparu, il n’y aura ni arbres ni racines ni oiseaux, ni effigies, ni aide-mémoires ou leçons de choses – pas de cairns, bien entendu.
Profite de la balade.