Cette statue est celle du Dieu A’A de l’île polynésienne de Rurutu. C’est un personnage légèrement bedonnant, d’un mètre vingt environ de hauteur, les bras le long du corps, les mains aux doigts écartés ramenées sur le haut du ventre, avec de courtes pattes, sans pieds, le menton large de la tête s’arrondissant comme un rebord de casque : tout en bois de santal, avec un panneau à l’arrière, détachable, du dos jusqu’au haut du crâne, masquant un évidement dans lequel ont été découvertes 24 amulettes et qui devaient contenir à l’origine le crâne et les ossements d’un ancêtre glorieux.
Le corps (la poitrine, le dos, les fesses, les cuisses, les genoux) est parsemé de petits humanoïdes sculptés en bas-relief ; et pareillement, de petits personnages humains forment les traits du visage (les yeux, le nez et les oreilles, la bouche aussi où la figure qui la compose semble accroupie de dos en position de crabe ou d’araignée) et signent l’épaisseur de la barbe.
Tout vient dire qu’une personnalité, qu’elle soit divine ou humaine, est constituée des relations avec d’autres, et que ce sont ces autres personnes qui lui donnent sa figure, son épaisseur, sa réelle consistance de chaine de croyances. Et cette statue en réalité dit tout : un grand homme, c’est un réseau, et bien souvent une figure de salon.
Léo se dit qu’il était très loin de cette sociabilité-là. Je la fuis même, pense-t-il.
Je me contente, sur le bleu de mon âme, de n’avoir pour compagnie que quelques nuages blancs.