A Kyoto, le jeu commençait à la nuit tombée.
On allumait dans la pièce une centaine de bougies. Puis on ouvrait le grand livre des cauchemars. On commençait en riant par se raconter un épisode. On soufflait une bougie. On s’en racontait un autre. On soufflait une autre bougie. Après chaque histoire, et tandis que la pénombre se faisait progressivement plus dense, les apparitions devenaient plus affreuses. Le silence était chaque fois plus long après les rires nerveux, et on acquiesçait vite à la morale, à la damnation de l’amoureuse infidèle ou du criminel tourmenté.
Et la nuit continuait de monter. Après deux heures, esprits, monstres, yūrei et yōkaï bougeaient aux coins de la pièce. A la surface de l’eau, un revenant fontinal remplaçait les reflets de visage de passants par le sien, et ses horribles souvenirs prenaient possession de vous. Des créatures ophidiennes s’introduisaient dans les maisons pour vous mordre le cœur ou le sexe. Une femme abandonnée se laissait mourir de faim puis sortait de sa tombe pour vous accueillir et vous faire à manger. En le comprenant, vos cheveux blanchissaient sur le coup. Le bonze accroupi dans le noir et qui vous parlait il y a un instant encore était mort depuis des années.
La dernière bougie éteinte, nous étions tous plongés dans le noir.
Les esprits étaient conjurés.
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Pour découvrir Wasaburo, pour les plus chanceux, allez le voir chanter au Studio Ki-Yan à Kyoto le 18 avril prochain à partir de 18h, avec Toru Nakajima au trombone et Yu Ma au violon – ou le 8 mai à Kawanishi, préfecture de Hyogo, Asté Hall, concert à 14h.
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