Portrait d’instant.
Rue Saint-Maur, à Paris. Fin de printemps. L’air est saturé de pollens et de gaz d’échappement. Au premier étage d’un immeuble, au-dessus du maigre auvent rouge (qui a voulu faire riche, mais que le passage du temps a rendu sale, et signe à l’inverse l’ambition perdue) surplombant une terrasse de café, je surprends dans l’encadrement d’une fenêtre ouverte une jeune femme qui écrit un texto. Elle tient une cigarette à la main. Aucun passant sur le trottoir ne la remarque. Elle ne remarque personne dans la rue, qu’elle ne regarde pas au reste.
Est-elle vraiment là, prise dans sa conversation avec un interlocuteur lointain dont peut-être déjà elle imagine la réponse, et que ressent-elle, machinalement, du vent qui lui soulève légèrement les cheveux, du climat du jour, des discussions qui doivent à moitié lui parvenir des clients attablés, du moteur des voitures qui déplacent leur ombre, ou du regard qui s’attarde sur elle ? Un instant, elle lève les yeux, me regarde, me sourit. Je lui souris aussi et je passe mon chemin.
Un peu plus loin, je vois un gamin de cinq ou six ans assis sur sa chaise les jambes ballantes. Il boit un verre d’eau. Je pense à l’atome d’hydrogène, venu de si loin, formé peut-être pendant les âges sombres de l’univers, au cours de la nucléosynthèse primordiale des premiers temps de la naissance du monde : et l’instant, dans sa constellation d’êtres et de choses, particules fantômes incluses, semble si parfait que j’en oublie enfin de penser au souci du jour.
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Que dire de JuliE GAsnieR ? Si vous ne la connaissez pas, il vous faut la connaître. Cela tombe bien, elle sort son album perso « Feux de nuit » le 28 avril, avec un concert de sortie à l’ermitage (Paris 19) le 9 mai à partir de 20h. En attendant, retrouvez-la sur sa chaîne Youtube.
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