Ce n’est pas seulement qu’entre les nuages et les montagnes des compétitions se déclenchent, régulièrement, pour savoir qui efface l’autre, qui passe devant, qui semble le plus massif, qui le plus léger, le plus aigu, le plus haut. Ce sont des effets de façade plus que de puissance.
Le passage des uns, la durée des autres sont aussi des effets de vision : les nuages continueront de passer bien après que les montagnes se seront adoucies, érodées et repliées. Mais la principale différence entre eux, pour nous, c’est leur différence d’intériorité. La nature fuyante du nuage, dans sa forme, aussi joueuse qu’elle soit à paraître visage, animal ou objet, finit toujours par révéler l’absence qu’elle est et qu’elle finit toujours par devenir : elle est cette mousse qui s’obstine juste ce qu’il faut pour apparaître. Dans chaque montagne au contraire de sa dureté il y a des berceaux : des vides, des abris, des poches, des creux d’enfantements. Il y a des grottes, des résonances. Il y a entre les cavernes et l’esprit un lien d’évidence. Un lien aussi fort, pour certains, que celui qui unit le ciel à la pensée. Les grottes sont des mondes en petit, avec leurs cieux de calcaire dont le miracle est de ne pas tomber. Ce sont des lieux propices aux rêves et où dans de nombreuses cultures se rendaient des moines solitaires, des fous ascétiques, des saints gyrovagues. Ils y entendaient leurs divinités penser, souffler, dormir, songer. Ils y décelaient l’envers des choses, leurs à-côtés ; ils s’imaginaient à l’endroit du secret ; ils y contemplaient, de l’ombre des dessous la terre, le monde irisé des hauteurs.
Les montagnes ont toujours eu leurs sages, et leurs écoles. « Elles ont toujours été les plus douces retraites pour celui qui fuit les chemins frayés par la mode », disait Reclus.